Nous avons tous entendu des réflexions telles que « Jamais un bonjour, jamais un merci, c’est comme si j’étais transparent… », « Quand ça ne va pas, ils savent bien nous le dire, mais quand c’est bien, pas un mot ! ». Elles émanent de salariés en manque de reconnaissance et certains pourraient être tentés de répondre : « Ils sont payés pour bien faire leur travail, qu’est-ce qu’ils attendent de plus ? ».
Sont-ils si nombreux, ces salariés qui attendent d’être reconnus au sein de leur entreprise ? Pourquoi ont-ils besoin d’entendre un simple « Bonjour » de leur supérieur le matin ou de recevoir un retour positif sur le travail accompli ? Ne sont-ils pas capables d’apprécier par eux-mêmes la qualité de leur travail ? Pourquoi est-il si important d’être reconnu au sein d’un collectif de travail ?
Quel est ce concept de reconnaissance au travail ?
Que signifie être reconnu pour un professionnel ? Est-ce un besoin universel ou propre à certains individus ?
La reconnaissance est définie comme : « L’action d’identifier, de percevoir quelqu’un, quelque chose comme déjà connu ».
De manière générale, être reconnu est un besoin vital. La plupart des scientifiques et des spécialistes du management ayant travaillé sur la notion de reconnaissance au travail s’accordent aujourd’hui à dire qu’elle est indispensable à la plupart des collaborateurs.
A contrario, l’absence de reconnaissance a pour effet de conduire au désengagement du collaborateur et peut même amener à l’altération de sa santé mentale.
Jean-Pierre Brun, Professeur de Management et Directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval à Québec a identifié 4 types de reconnaissance :
– La reconnaissance du collaborateur en tant que personne : C’est une reconnaissance qui satisfait un besoin fondamental, celui d’être reconnu dans sa singularité.
Cette reconnaissance s’adresse à « Monsieur Dupont » ou à « Louise » et non pas « au comptable » ou à la « responsable communication ».
– La reconnaissance de la pratique de travail : celle des compétences techniques ou comportementales.
– La reconnaissance des résultats : elle s’intéresse aux résultats effectifs, observables, mesurables et contrôlables du travail. C’est une reconnaissance qui se fonde sur des éléments objectifs.
– La reconnaissance de l’investissement dans le travail : C’est reconnaître les efforts fournis par les collaborateurs même si les résultats ne sont pas ceux forcément attendus et sans qu’ils en soient forcément responsables. Cette reconnaissance est plus subjective
L’équipe a pris le risque de laisser de côté un projet en cours pour travailler d’arrache-pied sur un appel d’offre à fort enjeux mais le choix du client s’est porté sur un autre prestataire !
Reconnaitre l’investissement de cette équipe, c’est reconnaitre ses efforts, son engagement et les risques encourus.
La reconnaissance a donc plusieurs dimensions et l’une n’exclut pas l’autre. Il est donc clair que le simple fait de dire « bonjour » ou d’attribuer une prime à son collaborateur ne permettra de satisfaire le besoin de reconnaissance de tous les salariés, la reconnaissance au travail doit prendre en compte les 4 dimensions.
Etre reconnu au travail, c’est à la fois se sentir appartenir à un ensemble et être identifié au sein de ce groupe comme un individu avec ses propres caractéristiques.
L’entreprise constituant un groupe d’individu, il est donc essentiel que cette pratique s’inscrive dans son fonctionnement général.
En prenant place dans la culture de l’entreprise et en concernant l’ensemble de l’organisation (dirigeants, encadrements, managers de proximités et collaborateurs), la reconnaissance s’inscrit alors en toute logique au cœur des pratiques de gestion des ressources humaines et de l’organisation du travail
Un véritable levier d’amélioration de la qualité de vie au travail
La reconnaissance au travail est un levier de motivation essentiel qui contribue directement à la satisfaction des besoins psychologiques.
Les neurosciences ont ainsi mis en évidence qu’un circuit neuronal lié à la récompense est activé par la reconnaissance. Lorsqu’il juge une expérience bénéfique, notre cerveau libère de la dopamine, un neuromédiateur du plaisir et de la récompense.
Par ailleurs, on sait désormais que manifester de la reconnaissance à un collaborateur au travers d’une simple « merci » ou en mettant en avant la qualité de son travail va non seulement contribuer à améliorer le bien-être de son collaborateur mais également son propre bien-être !
Une expérience de l’Université de Californie, conduite par le Professeur Robert Emmons, a mis en évidence que les effets de la reconnaissance se traduisaient par une diminution des problèmes de santé, une baisse du niveau de stress, un sommeil de meilleur qualité et une performance accrue.
Pour mettre en évidence ces résultats, les chercheurs ont divisé un collectif de plusieurs centaines de personnes en 3 groupes. Pendant 10 semaines, chaque groupe devait tenir un journal. Le premier notait ses expériences quotidiennes, le second uniquement ses expériences quotidiennes désagréables et le troisième devait lister tous les événements qui lui avait permis d’éprouver de la reconnaissance. A l’issue de l’expérience, ce dernier groupe était le plus positif et enthousiaste, en meilleure forme physique et psychique et plus performant dans son travail.
Cette étude met donc en évidence que les efforts en matière de prévention de la santé mentale des salariés ne doit pas porter uniquement sur le collaborateur, ne relève pas que de la sphère privée mais d’un système global dans lequel la reconnaissance mutuelle devient un mode de fonctionnement normal et salutaire.
Pratiquer plus et mieux la reconnaissance au sein de l’entreprise, est un des facteurs contribuant à l’amélioration de la qualité de vie au travail et à la prévention des risques psychosociaux. C’est également mieux anticiper et accompagner les changements. Impliquer les collaborateurs en amont et leur faire confiance développe le sentiment d’appartenance, développe la motivation et l’engagement.
Les bénéfices pour l’entreprise sont évidents : plus de performance, un climat social apaisé et une bonne image auprès de sa clientèle ou de son public.
Ne manquez pas la deuxième partie sur « Comment construire un environnement professionnel reconnaissant ? »